PRISE EN CHARGE DU SEVRAGE TABAGIQUE :

LE RÔLE CRUCIAL DES MÉDECINS

PUBLIÉ LE 31/05/2024

Cigarettes électroniques, puff, tabac chauffé, snus, sachets et perles de nicotine transforment aujourd’hui le paysage de la consommation tabagique. Toujours plus attractifs, ces produits séduisent de nouvelles cibles, notamment les adolescents dont le risque d’addiction est supérieur à celui des adultes ⁽¹⁾. Dans ce contexte, le médecin généraliste doit jouer un rôle essentiel d’information et d’accompagnement des patients dans leur sevrage, quel que soit le produit consommé.

Bien que stable depuis 2019 (24,5 % de fumeurs quotidiens en 2022) ⁽²⁾, la consommation de tabac et de nicotine prend désormais de multiples visages. Présentés comme des « alternatives au tabac fumé » supposées réduire les risques sanitaires associés au tabagisme ⁽³⁾, les nouveaux produits du tabac et de la nicotine cachent leur nocivité alors même qu’ils contiennent soit des substances cancérigènes ou mutagènes, soit une forte teneur en nicotine engendrant une grande dépendance ^(4-6). Face aux nouvelles pratiques, neuf médecins généralistes sur dix s’avouent mal informés pour accompagner leurs patients dans le sevrage tabagique selon la récente enquête menée par BVA pour ACT – Alliance contre le tabac ⁽⁷⁾. Pourtant, les médecins généralistes bénéficient d’une position privilégiée pour aider leurs patients dont le statut tabagique est évoqué systématiquement (99 %) en consultation ⁽⁷⁾.

SEVRAGE TABAGIQUE : UN BESOIN ACCRU DE FORMATION DES MÉDECINS

Dans un marché où l’offre est sans cesse renouvelée, 53 % des médecins généralistes interrogés ressentent un besoin croissant de formation ⁽⁷⁾. Tout d’abord, pour déconstruire les idées fausses – par exemple, près de quatre médecins sur dix croient à tort que les perles et les sachets de nicotine sont des outils d’aide au sevrage, et près d’un tiers pensent qu’il est dangereux de fumer lors de l’utilisation de patchs nicotinés ⁽⁷⁾ –
et ensuite pour maîtriser les stratégies de sevrage les plus efficaces.

DES AIDES AU SEVRAGE EFFICACES MAIS SOUS-UTILISÉES

Aujourd’hui, de nombreuses études ont prouvé l’efficacité des substituts nicotiniques ^(8-11). Disponibles sous des formes variées (gomme, patch, spray nasal, inhalateur et comprimés/pastilles sublinguaux), ces derniers augmentent le taux de réussite du sevrage de 50 à 60 %, quel que soit le contexte ⁽¹¹⁾. Ne provoquant que peu d’effets indésirables ⁽¹²⁾, n’étant pas cancérigènes ^{(12, 13)}, ces traitements médicaux sont malheureusement encore trop peu prescrits. Pourtant, les substituts nicotiniques peuvent être utilisés chez les femmes enceintes, les personnes souffrant de maladies cardiovasculaires, ainsi que chez les mineurs à partir de 15 ans ⁽¹⁴⁾. Compatibles avec tous les traitements médicaux ⁽¹⁴⁾, ils sont remboursés par l’Assurance maladie et peuvent être prescrits par de nombreux professionnels de santé : médecins, sages-femmes, infirmiers, chirurgiens-dentistes ou encore masseurs-kinésithérapeutes ⁽¹⁴⁾.

Parallèlement aux substituts nicotiniques, la cigarette électronique peut aussi s’avérer utile : strictement déconseillée aux non-fumeurs, elle aide au sevrage des fumeurs, dès lors que cela s’inscrit dans le cadre d’un suivi médical ⁽¹⁵⁾.

MÉDECINS GÉNÉRALISTES : EN PREMIÈRE LIGNE POUR PROTÉGER LES ADOLESCENTS

Si la consommation de cigarettes manufacturées a considérablement diminué chez les jeunes en France, passant de 25,1 % en 2017 à 15,6 %
en 2022 (usage quotidien), celle de la cigarette électronique est cependant en nette progression ⁽¹⁶⁾. À 17 ans, l’usage quotidien a triplé, progressant de 1,9 % à 6,2 % entre 2017 et 2022 ⁽¹⁶⁾. De plus, 15 % des adolescents disent avoir déjà utilisé la puff, cette cigarette électronique jetable, et, parmi eux, 47 % ont commencé leur initiation à la nicotine à travers ce dispositif ⁽¹⁷⁾. Or, seulement 20 % des médecins généralistes (MG) abordent cette question avec les patients mineurs lors de leurs consultations ⁽⁷⁾, alors qu’une exposition précoce du cerveau à la nicotine provoque un risque d’addiction supérieur ⁽¹⁾. Un manque de connaissances des MG qui peut biaiser la dangerosité perçue de ces produits.
En effet, 89 % d’entre eux s’estiment mal ou très mal informés sur ces nouveaux dispositifs ⁽⁷⁾.

Si les médecins généralistes évoquent d’eux-mêmes le besoin de se former pour améliorer l’accompagnement au sevrage des produits du tabac et de la nicotine, la mise à disposition d’outils est d’autant plus urgente que seuls 55 % des praticiens ont reçu une formation spécifique pour le sevrage tabagique ⁽⁷⁾.  

La mise en place de formations obligatoires consacrées à l’addiction à la nicotine et à sa prise en charge, tant au niveau du tronc commun universitaire des parcours de santé que dans le cadre du développement professionnel continu (DPC), permettrait ainsi à tous les praticiens d’accompagner au mieux leurs patients vers la sortie de cette dépendance ⁽¹⁸⁾.

Les nouveaux produits du tabac et de la nicotine, la face cachée

Nouveaux produits du tabac et de la nicotine (19-20)	Présence de nicotine (19, 20)	Cancérigène (19, 20)	Peut-être considéré comme une aide au sevrage tabagique ? (19, 20)
Cigarette électronique	Oui/Non*	Inconnu	Oui
Puff (cigarette électronique à usage unique, jetable)	Oui/Non*	Inconnu	Non
Tabac chauffé	Oui	Oui	Non
Tabac à macher ou à priser	Oui	Oui	Non
Snus (sachets de tabac en poudre, à sucer ou à chiquer)	Oui	Oui	Non
Chicha	Oui	Oui	Non
Perles et sachets de nicotine	Oui	Inconnu	Non

*Certaines cigarettes électroniques/puff contiennent de la nicotine alors que d’autres non.